vendredi 6 mai 2016

Migration vers Old Orchard


Lundi 20 mai 1929

Les prévisions météorologiques sur l'Atlantique communiquées par le Dr James Kimball sont particulièrement mauvaises, avec des orages, du brouillard et un vent d'est très puissant, interdisant toute possibilité d'envol dans les 3 ou 4 jours qui viennent.

Le temps sur l'aérodrome de Roosevelt Field, où attend l'"Oiseau Canari", est catastrophique depuis plusieurs jours. La piste d'envol déjà jugée trop courte est maintenant inapte à l'essor d'un avion en bois en raison des nombreuses ornières et flaques de boue.

Envol de l'"Oiseau Canari" sur la piste inondée de Roosevelt Field.
                               
Assollant, Lefèvre et Lotti ont entendu parler d'un avion américain qui doit rallier Rome depuis la plage d'Old Orchard, dans le Maine. Il s'agit du Bellanca "Green Flash" piloté par Roger Quincy Williams, avec le co-pilote et navigateur Lewis Alonzo Yancey.

Tout ces éléments vont motiver Armand Lotti d'aller évaluer cette plage dont on leur dit tant de bien!

Du reste, ce même jour, le "Green Flash" décolle de l'aérodrome de Teterboro, Hasbrouck Heights, N.J. pour la plage d'Old Orchard.
                         
Le "Green Flash" au départ de Tererboro pour Old Orchard.

Mardi 21 mai 1929

Pas d'amélioration de la météo en vue. Elle s'est plutôt dégradée dans la zone de Terre-Neuve avec du brouillard et de la pluie.

Le "Green Flash" reste toute la journée dans le hangar du pilote Harry Jones, sponsorisé par la "Hazzard Shoe Flying Company".
                         
Le "Green Flash" prêt à entrer dans le hangar de Harry Jones.

En début de soirée, Lefèvre et Lotti partent en train vers Old Orchard en compagnie de Giuseppe Bellanca, le designer et constructeur du "Green Flash", qui part rejoindre son équipage.

Guiseppe Mario Bellanca

Mercredi 22 mai 1929

Arrivant de bon matin en gare d'Old Orchard, Lefèvre et Lotti découvrent une petite station balnéaire absolument déserte. La saison ne débute qu'en Juillet.

Lefèvre et Lotti longent la plage d'abord par la route qui lui est parallèle, puis la arpentent de long en large à pied à marée basse.

Vue de la plage d'Old Orchard au nord de la jetée promenade.
La plage orientée Nord-Sud est elle aussi déserte, mais ô combien magnifique. Longue de plus de 2 kilomètres, au nord de la jetée promenade qui coupe la plage en deux, elle est quasiment droite, très plate avec un sable fin très compact. La rive plonge très doucement dans l'Océan, balayé par les petites vagues qui viennent y mourir après s'être brisées au loin. Elles lissent la surface du sable, comme la machine à refaire la glace d'une patinoire. Rien de mieux pour une piste de décollage!

Vue de la plage nord d'Old Orchard. Trait matérialisant le piste de plus de 2 km.
La jetée promenade  est à gauche du trait.

Bien sûr, il y aura la contrainte de la marée basse pour envisager un décollage, et de préférence en début de matinée ou en fin de journée lorsque la brise de mer s'apaise.

Nos deux aviateurs mesurent le hangar de Harry Jones,pour conclure qu'il ne sera pas possible d'y faire entrer l'"Oiseau Canari", définitivement trop grand. Tant pis, il pourra rester stationné sur la plage près du hangar, protégé par des bâches.

La décision est prise: la traversée de l'Atlantique se fera depuis Old Orchard.
Non sans avoir rencontré l'équipage Williams et Yancey, Lefèvre et Lotti repartent par le train de nuit vers New York et Roosevelt Field, rejoindre Assollant.

De gauche à droite: Lewis Yancey, Roger Williams et Armand Lotti

Jeudi 23 mai 1929

Le temps s'est amélioré sur la côte est des Etats-Unis,

Assollant et Lefèvre s'envolent de Roosevelt Field à bord de leur Bernard 191 GR en direction de la plage d'Old Orchard qu'ils atteignent, en longeant la côte, après un peu moins de trois heures de vol.

Les habitants d'Old Orchard  accourrent
vers l'"Oiseau Canari" qui vient de se poser.
C'est la stupéfaction pour les habitants de voir un si gros avion. Ils n'en avaient pas vu de pareil depuis le célèbre Fokker "Old Glory" disparu en mer le 6 septembre 1927 dans sa tentative vers l'Europe. C'était un avion à aile haute "cantilever" de taille similaire au Bernard 191 GR.

Arrive aussi un autre appareil, un Loening amphibien des Coast Guards piloté par le Lt Melka en provenance de la base navale de Gloucester. Yancey, ancien pilote des gardes côtes américains, a obtenu qu'un avion les suive pendant la première heure de leur tentative.

Le Lt Melka et un Loening amphibien
Tous les acteurs sont en place pour les deux tentatives de voyage vers l'Europe à destination de Paris et de Rome.

mercredi 3 février 2016

Exposition de l'"Oiseau Canari" aux Tuileries

A partir du 22 Juin 1929

A l'initiative du Journal Paris-Midi, l'"Oiseau Canari" est démonté et transporté depuis l'aérodrome du Bourget vers la Place des Tuileries, au centre de Paris.

Il est remonté sous un chapiteau pour permettre aux admirateurs de l'exploit de voir, de leurs propres yeux, cet avion. Ils pourront même jeter un œil à l'intérieur de l'avion par la porte laissée ouverte.

Souvenir édité par le Journal Paris-Midi
pour les écoliers parisiens

Visiteurs se pressant à l'entrée de la tente d'exposition de l'"Oiseau Canari".

Vue de l'"Oiseau Canari" tel que présenté au public.

C'est le Ministre de l'Air, Laurent Eynac, qui vient en personne inaugurer cette exposition, en présence d'Assollant, Lefèvre et Lotti.

Affiche officielle de l'exposition.

Le prix d'entrée de 3 francs sera reversé au profit des œuvres de l'aviation.

Annonce de l'exposition parue dans les journaux.

Deux cartes postales de souvenir sont éditées pour la circonstance, estampillées par le Journal Paris-Midi.

Lotti, Assollant et Lefèvre posant devant l'"Oiseau Canari".

L'"Oiseau Canari" et Assollant, Lotti et Lefèvre avec leur signature.

L'exposition sera interrompue vers la mi juillet à la demande des aviateurs, pour entamer début août une tournée européenne des capitales.


mardi 2 février 2016

Dr James H. Kimball

Le "Monsieur Météo" des premiers vols transatlantiques

James H. Kimball est né le 12 février 1874 à Detroit et il est mort le 21 décembre 1943 à New-York.

James H. Kimball en 1929
Il a commencé à travailler aux services de météorologie à l'âge de 21 ans, et de station météo en station météo à travers les USA, il a obtenu tous les diplômes qualifiant en météorologie.

Il est particulièrement touchant de savoir qu'il a obtenu son baccalauréat à 38 ans, sa maîtrise à l'age de 40 ans et son doctorat à 52 ans!

Kimball avec ses collègues du Bureau météorologique de New-York
Affectueusement appelé "Jimmy" ou "Doc", il a permis, grâce à ses conseils avisés, que les premières traversées de l’Atlantique Nord ne tournent pas à la catastrophe.

Malgré les moyens techniques limités de l'époque, James Kimball a pu donner des informations météorologiques assez fiables à tous les "fous volants" de l'Atlantique.

James Kimball au travail sur ses cartes météorologiques


Carte Météo établie par Kimball pour l'envol de l'Oiseau Canari.
Les données météo succinctes sont fournies par les stations terrestres et les bateaux à la mer.

Comme il le dit lui même, il n'a jamais encouragé ces vols, mais il a humblement essayé de minimiser le "facteur risque" lié à la météo. Restaient les autres "facteurs risques" liés aux moteurs, à la résistance de l'avion, aux moyens de navigation et à l'habileté et l'endurance des hommes.

Lorsqu'il a conseillé Assollant, Lefèvre etLotti, il était un tout jeune docteur en météorologie, tout juste âgé de 55 ans.

Lefèvre, Lotti et James Kimball travaillant sur la route de l'Oiseau Canari.

Le 8 avril 1931, nombre des aviateurs de l'Atlantique Nord qu'il avait conseillé rendaient hommage à James H. Kimball, à l'Hôtel Roosevelt de New-York, lors d'une réception au cours de laquelle il lui fut remis la plaque d'or de la Ligue internationale des aviateurs.

Entourés de vainqueurs de l'Atlantique Nord,
Lewis Yancey lui remet la plaque de la Ligue des aviateurs 

Pour l'occasion, le Président des Etats-Unis, Herbert Hoover lui fit transmettre le message suivant par Lewis Yancey:

" Je vous serai obligé de bien vouloir transmettre mes cordiales salutations à tous ceux qui seront présents à ce dîner en l'honneur du Dr James H. Kimball demain soir, et au Dr Kimball lui-même ma chaleureuse reconnaissance pour sa contribution remarquable à promouvoir la réussite de l'aviation en général et des vols transatlantiques en particulier, grâce à son habilité scientifique et à son jugement si caractéristique parmi les services de prévision météorologiques de notre pays".

La photo ci-dessous montre les principaux participants entourant James Kimball.

Assis de gauche à droite:
Clarence Chamberlin, Amelia Earhart, Dr Kimball, Ruth Elder,
Colonel Brady représentant le Maire de New-York, James Fitzmaurice, Lowell Thomas
Debout de gauche à droite:
Lewis Yancey, Charles Lindberg, Franck Courtney, Armand Lotti, Harry Connors, Bert Balchen

James Kimball sera honoré et décoré aux Etats-Unis et dans de nombreux pays.

Kimball décoré par la Ligue Internationale féminine pour la Paix en 1936

En 1931, il reçut la Légion d'Honneur, sur recommandation d'Armand Lotti, pour sa contribution au succès de la première traversée française de l'Atlantique de l'"Oiseau Canari".

Assollant, Lefèvre et Lotti firent de nombreux allers et retours entre les bureaux des services météorologiques de New-York et les terrains d'aviation de New-York puis d'Old Orchard Beach.
Le 12 juin 1929, Lotti et Lefèvre rentreront de New-York avec le feu vert météo du Dr Kimball.

L'homme de l'ombre: James H. Kimball

Le lendemain matin, 13 juin 1929, l'"Oiseau Canari" s'élançait victorieusement de la plage d'Old Orchard Beach.

Kimball, Lefèvre et Lotti étudiant les dernières prévisions météo.

James Kimball founira également des prévisions météorologiques pour la première traversée de l'Océan Pacifique sans escale, réalisée par les américains Herndon et Pangborn les 4 et 5 octobre 1931.

Kimball avec à sa gauche les aviateurs Herndorn et Pangborn.


lundi 1 février 2016

Atterrissage à Mimizan-les Bains

Dimanche 16 juin 1929

L'"Oiseau Canari" s'envole de la plage d'Oyambre vers 6h30, peu après le début de la marée montante en direction de l'aérodrome militaire de Cazaux.
Ayant du décoller de cette petite plage avec une charge réduite d'essence (environ 300 litres ont été ajoutés), vers 8h30, alors que l'avion est à environ 40 kilomètres de la base aérienne de Cazaux, soudain, le moteur s'arrête!
En vol plané, il se pose sur le plage Nord de Mimizan-les-Bains, juste après l'embouchure du Courant.

Vue actuelle de la plage Nord de Mimizan, avec l'embouchure du courant à droite.

Les premiers témoins de l'arrivée de l'avion répandent aussitôt la nouvelle :"un avion est tombé sur la plage!". En ce beau dimanche ensoleillé de mi-juin, les mimizannais et les vacanciers accourent sur la plage. Les bains ne sont pas si loin de là.
Mimizan-les-Bains, dénommée "la Perle de la côte d'Argent" va vivre une journée mémorable!

Les curieux se pressent autour de l'avion pour accueillir les aviateurs
et immortaliser cet évènement.
Les locaux qui possèdent un appareil photographique saisissent les premiers instantanés de l'avion sur la plage de Mimizan. C'est ici la première terre française que l'avion a touché, après son exploit transatlantique.

La foule enserre les aviateurs et découvre cet avion venu d'Outre Atlantique.

On quitte même son travail pour venir poser devant l'Oiseau tombé du ciel.

Tout le monde s'interroge sur le devenir de l'avion, alors que la marée monte.
Le temps passe et la marée monte. Ce sera pleine mer à 12h41. Si l'on ne fait rien, l'"Oiseau Canari" aura bientôt les pieds dans l'eau. Il risque de s'enliser dans le sable, ce qui compromettrait son futur départ.
On amène cordages, planches et un attelage de mules pour tracter, plus haut sur la plage, cet imposant avion.

Les mules sont attelées. O hisse!!!!!

Encore un effort et l'avion sera en sécurité plus haut sur la plage.
Après de gros efforts de tous, l'avion est enfin à sec, près de la dune.
Il est hors d'atteinte de la marée.

On se félicite de la réussite de l'opération.
Arthur Schreiber est là, près de la queue de l'"Oiseau Canari"
Les villageois offrent des rafraichissements aux aviateurs à l'Hôtel de France, situé en haut de la dune. Assollant et Lotti téléphonent à la base de Cazaux pour faire état de leur situation.
Ils demandent 100 litres d'essence, 50 litres de Benzol et du matériel de démarrage de l'avion.

Hotel de France à Mimizan-les-Bains. Cet établissement existe toujours.
Ensuite, Assollant, Lefèvre, Lotti et le passager clandestin Arthur Schreiber, vont à l'office religieux à l'église du bourg, distant de 6 kilomètres.
Les premiers représentants de la presse commencent à arriver sur place.
Ainsi que les premiers militaires envoyés par la base de Cazaux qui arrivent en camionnette.

Bain de foule et apéritif au Café du Congo situé en face de l'église.
Dès 9h00, un avion s'envole de Cazaux, avec à son bord le Capitaine Fruchard. Il effectue un survol de reconnaissance au dessus de la plage et rentre à Cazaux à 9h35.
A 9h30, un appareil piloté par l'Adjudant-chef Laffargue, et ayant le commandant Barrés comme passager, se pose à proximité de l'"Oiseau Canari".

Un des avions de Cazaux sur la plage. Les belles dames posent!


A 9h40, un troisième avion piloté par l'Adjudant Duménieu, prend les airs, amenant le matériel nécessaire au dépannage de l'avion. Il se pose à son tour sur la plage.

Le deuxième avion posé face à la dune.

Les militaires de Cazaux prennent en charge le ravitaillement et la préparation de l'"Oiseau Canari".
Pendant ce temps, Assollant, Lefèvre et Lotti sont partis en voiture militaire pour un déjeuner à la base aérienne de Cazaux.
Schreiber lui reste en ville. Il achètera un carnet de cartes postales de Mimizan et en enverra quelques unes à ses proches.


Les militaires se préparent à ravitailler l'avion en carburant.

Poursuite du ravitaillement en essence avec une pompe filtrante.
De retour de Cazaux, les aviateurs supervisent les derniers préparatifs.

Armand Lotti à la manœuvre avec un soldat.
Assollant et Lefèvre posent pour les journalistes de "La Petite Gironde"

Lefèvre et Assollant
On s'affère à préparer l'avion, tout en essayant de maintenir les curieux à distance.



Mais il fait chaud en cette belle journée de début de saison estivale.
Un peu d'ombre serait bien appréciée, à l'abri des ailes de l'avion.

Certains tentent de voir l'intérieur de l'avion par les hublots.

Moment festif. On échange ses impressions.
Et chacun veut s'approcher pour laisser une signature ou une marque sur les flancs de l'appareil.
A côté de la porte de l'avion, on verra sur les photos officielles prises au Bourget, un grand "Mimizan -Plage" écrit à la craie.

File d'attente pour jeter un œil à cet avion.
Le premier des avions d'intervention quitte les lieux,survolant l'"Oiseau Canari".


Vue de la foule nombreuse présente autour de l'"Oiseau canari".

Dieu que l'attente est longue, mais quel moment!

La maréchaussée veille à la bonne discipline de la foule
L'avion va être mis en ligne, pour un départ imminent.

Dernières vérifications et fermeture des trappes d'avitaillement en essence.
C'est bientôt de départ. Les curieux sont invités à s'éloigner pour assister au départ de cet Oiseau Jaune.

Dernier préparatifs avant l'envol pour Cazaux.
La basse mer est attendue pour 18h46. Mais impatients d'arriver au plus vite à Paris, c'est dès 16h50 que l'"Oiseau Canari", avec Assollant aux commandes s'élance sur la bande de sable de la plage encore humide.


L'envol, les pieds quasiment dans l'eau.

En route pour se ravitailler à Cazaux.


En route vers la gloire et les honneurs de Paris!

Ainsi s’achèvera cette journée mémorable à Mimizan-les-Bains.

Mimizan n'oubliera jamais cette journée historique! Elle y est régulièrement commémorée.

Nota: Les quelques photos colorisées sont de ma facture. J'espère que vous les appréciez. Faites le moi savoir.